Tout pour moi, tout pour toi, rien pour eux

Quand le mec avec qui j'avais entamé une relation légère, paisible et agréable, ponctuée de discussions intéressantes et d'escapades à la plage (le Graal, n'est ce pas ?), a mis un terme à celle-ci au bout d'un petit mois en m'affirmant que "tu as vraiment tout pour toi, pour rendre un homme heureux", j'ai juste eu envie de pleurer, puis de lui mettre ma main dans la figure.


Mais j'ai pleuré, parce que je suis non violente par nature et par principe. Et qu'au fond, je l'aime bien cet homme. Il me touche avec sa sincérité et ses mots simples. Je suis même sûre que l'on pourrait devenir d'excellents amis. Oui, parce qu'à butiner ainsi depuis des années, j'ai particulièrement élargi mon cercle amical (et ma playlist, c'est l'avantage d'être éclectique !).

Voilà donc un héros qui a réussi le triple exploit de 1°) dormir chez moi et partager mon petit déjeuner 2°) me faire cuisiner pour agrémenter une soirée partagée et être à la hauteur de son hospitalité 3°) me faire pleurer. Bravo champion ! 

Pour être positive, je vais considérer que je suis sur la bonne voie. Il y avait longtemps que je n'en avais pas fait autant pour un homme. Work in progress sur la voie de sortie du tunnel des rencontres éphémères. M'extirper de cette "dating fatigue".

A collectionner les PQR* plus ou moins sympas et extravagants et les one shots médiocres, j'en avais oublié les charmes d'une soirée à la maison à regarder un film. Bon, ok, c'est moins excitant pour la libido que le blind date dans une chambre d'hôtel. Mais en contre partie, j'ai eu l'impression d'être autre chose qu'un sex toy et j'avais bien l'intention de recharger mon réservoir de tendresse. Je pense qu'il ne le sait pas, mais c'est quand il m'a caressée le bras et le cou sur la plage qu'il m'a séduite. Et ce sont pour ces petits instants de tendresse que j'aurais bien prolongé notre aventure "sea, sex & sun". 

Bon, aussi, un peu pour sa proposition de partir draguer à 2 sur la Costa Blanca...

C'était léger comme un mojito bien frais, agréable comme la brise sur la peau après la baignade et doux comme nos peaux. Cela aurait pu durer le temps de l'été et se terminer en douceur à l'arrivée de l'automne. Une sorte de trêve estivale. On se serait fait du bien mutuellement en attendant de tomber sur une histoire plus passionnée. De celles qui vous font vibrer, tomber amoureux, qui n'exigent pas de vous que vous calculiez chaque mot, chaque geste, pour ne pas faire fuir l'autre. De tenter d'être si légère que vous en devenez inconsistante, comme un fantôme de vous même.

Mais apparemment, cette relation légère et fluide, non exclusive, à se voir une fois par semaine (dingue, non ?! On frôle la demande en mariage !) était déjà trop de pression pour lui. Alors, même si les instants passés ensemble étaient agréables, si faire l'amour avec moi était agréable, si les discussions étaient agréables (dixit), il a préféré prendre le large. En concluant par ces mots : "tu as tout pour toi" !

Donc, si je résume, en effet, j'ai tout pour moi. Durant 3 secondes, mon ego est flatté. Je suis attirante, intelligente (allez, même spirituelle), cultivée, un bon coup au lit (et il n'a vraiment pas profité de tous mes talents...). Mais cela ne dure guère plus que le temps que l'information atteigne mon cerveau et que mes synapses fassent les connections. Parce que le "tu es une femme géniale", "formidable", "une belle personne", "un super coup", "une baiseuse de première classe", etc... on me l'a quand même fait un bon nombre de fois pour rompre. Alors, même s'il le disait sincèrement, cela a un sacré relent de déjà-entendu. Comme s'ils se dédouanaient tous en nous faisant de superbes compliments (qu'ils ne disent pas durant la relation), le pansement sur la baffe que l'on se prend en travers de la gueule ! En fait, on est géniale avant la rencontre et quand ils nous quittent.

J'ai tellement tout POUR MOI que je vais finir dans l'auto-suffisance. Je pense sérieusement à tomber amoureuse de moi. Histoire de ne pas être trop déçue. Parce que j'ai du mal à comprendre que ce "tout pour moi" (pour plaire à un homme visiblement) ne leur suffise pas, ou qu'ils n'en veuillent pas. Qu'ils pensent que ce sera toujours mieux ailleurs. Comme le relate Judith Duportail dans L'amour sous algorithme, "qu'il y a peut-être mieux en rayon" !

Ou alors, c'est quoi du masochisme ? Plutôt qu'une femme qui a tout pour elle, vous préférez une femme qui n'a rien pour elle... ? Mais tout POUR VOUS. Une femme qui va vous faire bien souffrir ?

Plutôt que de me transformer en un agréable souvenir, profitez donc de tout ces atouts que vous semblez me trouver. C'est étrange, non, de ne pas profiter de ce que l'on a sous la main, le temps que cela durera...

Dans ce "tout pour toi", il y a comme une manière de me faire croire "allez, je me sacrifie, tu vas rencontrer un homme tellement mieux que moi, qui sera tellement comblé de profiter de tout ce que tu as à offrir et que je ne suis pas en mesure d'apprécier". Pour un peu, il t'aiderait à trouver un homme (histoire d'être certain d'être débarrassé). Sauf, qu'à force, je n'ai plus envie d'offrir quoi que ce soit. 

Moi, ce que j'entends dans ce "tout pour moi", c'est que lorsque tu n'as pas besoin d'eux, que tu leur sembles si forte, si entière, si indépendante, ils débandent émotionnellement. Ce qui a pu les séduire au départ, la liberté, la conversation, l'autonomie, l'ouverture d'esprit, la spontanéité... autant de pré-requis fondamentaux à leurs yeux à une relation légère et sans engagement, deviennent des empêcheurs de fantasmer en rond. A te reprocher à mots couverts un attachement, somme toute fort relatif (parce que les petits messages coquin tous les jours, c'est juste une manière d'entretenir le désir, hein, pas plus !), on se demande qui des deux se met le plus la pression sur l'engagement !


*PQR : plan cul régulier (ou autrement dit, le one shot réussi qui joue les prolongations, une sorte de CDD du cul dont on ne maîtrise pas la fin de contrat, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas très sécure, ni respectueux du Code du travail)


Sona Jobarteh - Kanu


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