"J'ai rencontré quelqu'un"

Cette petite phrase qui te met chaque fois un petit coup de canif au ventre, même si tu sais que ce n'était qu'un plan Q, même si sincèrement, ce n'était pas si wouah que ça, même si, même si..
Ego quand tu nous tiens !


C'est quoi ce petit coup de blues quand tu lis cette phrase sibylline que t'adressent les (rares) hommes qui ont le courage de t'envoyer une explication à une disparition soudaine ?
Du dépit parce que tu n'as pas su les retenir malgré leurs déclarations enflammées sur vos ébats torrides ? De la lassitude parce que tu l'as tellement lu cette phrase ? De la jalousie parce que tu ne l'as jamais écrite cette phrase ? De l'amertume parce que tu sais que tu vas les retrouver quelques semaines plus tard sur Tinder ?
Tu as envie de leur répondre : "Et moi, tu ne m'avais pas rencontrée ?" et tu penses : "Elle a quoi de plus l'Autre ?".
Tu réalises que tu es un formidable passe-temps mais ô combien éphémère. C'est quoi leur problème ? C'est quoi TON problème ?
Trop facile ? Trop sincère ? Trop entière ? Trop pulpeuse ?
Pas assez... Pas assez quoi ?!
STOP ! Arrête !
Arrête de te prendre la tête sur des hommes sur lequel ton regard ne se serait peut-être même pas arrêté dans la rue. Arrête de te plonger en perplexité, de te refaire le film pour essayer de comprendre. Arrête de croire que cela vient de toi, de ce que tu aurais fait, dit ou pas. Arrête de penser que décidément tu n'as vraiment aucun intérêt. Arrête d'attendre de n'importe qui, du premier venu qui t'a déblatérer 3 fadaises, qu'il comble un simple besoin de compagnie, d'attention, d'admiration. Non, qu'il comble ton ego !
Tu voudrais qu'ils soient tous en pâmoison. T'aimer dans le miroir de leurs yeux. Tu les utilises, comme ils t'utilisent, pour panser tes plaies d'enfant, jouir d'un instant de plaisir et d'oubli, accroître ton cocktail de sérotonine, d’ocytocine et de dopamine, te rassurer. De l'Autre comme objet transitionnel diraient les psychanalystes, Winnicott en tête. De l'Autre comme objet d'auto-apaisement.
Tu es pourtant lucide sur le marché de dupes que vous jouez ensemble, l'illusion l'espace de quelques heures que quelque chose pourrait se passer de différent.
Parce qu'en toute honnêteté, ce n'étaient pas des histoires d'amour, même pas des histoires de cul, même pas des histoires tout court. Quelques instants agréables, des bavardages légers et futiles, des corps à corps intenses. Pas plus.
Ils ne t'ont rien promis, pas même laisser penser que cela pouvait être autre chose. Tout comme tu n'as rien suggéré d'autre.
Comment, après tant d'années passées à butiner sur les sites de rencontres, peux tu encore te laisser atteindre, ne serait-ce qu'un instant, par cette phrase d'une banalité affligeante ?

Peut être, parce que comme eux, tout au fond de toi, tu y crois encore à LA rencontre...



Georges Moustaki - Éphémère éternité


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